Violette a 14 ans en 1939 au Havre, quand commence la guerre. C'est la fin des études. Elle nous déclare: "j'ai un bac-4, car je n'ai jamais eu l'occasion de faire une troisième!"
Elle nous raconte sa vie agréable en Normandie avec ses parents. Elle a pu voir le départ du Normandie, le Havre c'était le départ de la "ligne" pour New York. La guerre ce sont les bombardements qui frappent durement la nuit une ville importante. Il a fallu se résoudre à partir pour Paris, rue d'Alésia. Elle nous raconte la mise en place des restrictions des libertés et des humiliations pour les juifs: rendre les cartes d'identité, et recevoir des cartes d'identité "d'apatrides", les étoiles jaunes sur les vêtements....Jusqu'à ce que cela devienne tellement insupportable et oblige toute la famille à partir pour Lille, comme des clandestins, sans bons d'alimentation, avec le recours au marché noir. Puis c'est la dénonciation, probablement le type du marché noir, soudoyé par les Allemands, le 1er juillet 1943. C'est l'internement dans la prison de Loos, puis dans celle de Saint Gilles de Bruxelles et enfin le camp de Malines. Le 31 juillet 1943, ils sont entre 80 et 100 dans ce wagon, qui ne peuvent s'asseoir qu'à tour de rôle, avec un seau...les odeurs "on ne peut pas raconter", "personne ne savait où on allait".... "on ne pouvait imaginer que le travail forcé, l'usine". Le 2 août c'est l'arrivée à Auschwitz. Pas de cris, pas de chiens, les hommes sont séparés des femmes, ils présentent leur paume aux soldats qui les trient, "pour voir qui est un travailleur manuel"... Violette voit son père pour la dernière fois, elle n'a jamais su ce qui lui était arrivé. Sa mère embarque dans un camion, elle laisse sa place, car elle "peut marcher" pour aller dans le camp. Une inquiétude se fait jour, lorsqu'elle se rend compte que la distance séparant le quai et le camp n'est pas si importante que cela, et n'aura de cesse de questionner pour savoir "où sont parties les femmes qui étaient dans le camion". C'est au moment du tatouage, où elle découvre le matricule qui va l'accompagner toute sa vie durant: 51937, qu'elle obtient sa réponse, on lui montre alors les deux cheminées non loin, qui crachent une épaisse fumée blanche..... Au bout de 3h de vie dans ce camp, Violette sait tout de ce qui s'y passe. Beaucoup , nous dit-elle, ont mis plus de temps à s'en rendre compte, car c'est tout de même "incroyable". Elle évoque la quarantaine avant de passer du camp A au camp B, le comptage permanent, les morts et les malades étant amenés à l'appel pour que le compte tombe juste....c'est à l'occasion d'un défilé dans le camp qu'elle découvre l'existence d'un orchestre. Elle entre dans l'orchestre grâce à la pression amicale de ses camarades, car elle trouvait complètement incongrue l'idée de jouer de la musique dans un lieu pareil. Juste pour la survie et surtout pas en raison de son talent. La chef d'orchestre, Alma, qui n'est autre que la nièce de Gustav Mahler, lui confirme ce qu'elle savait déjà, elle n'était pas très douée pour le violon, mais elle est recrutée quand même dans cet orchestre. Les musiciennes bénéficient d'un quotidien plus confortable, un lit avec drap et couverture, des chaussures au lieu des galoches qui blessent cruellement les pieds, une nourriture améliorée, la possibilité de se laver. Elles se considèrent comme des "privilégiés". Violette nous raconte les poux et le typhus, la faim et les sélections du docteur Mengele. Elle échappe encore à la mort.... "Faire le pitre" pour lutter contre le désespoir. La vengeance des poux, les Allemands attrapant le typhus mouraient plus vite que les déportés.
Le 31 octobre 1944, devant l'avancée des troupes soviétiques, Violette fait partie d'un convoi vers Bergen Belsen, le même convoi que Simone Veil, a-t-elle appris bien plus tard. Le camp est libéré le 15 avril 1944, Anne Franck vient de mourir. Le retour en France est difficile, on ne peut pas dire que les déportés ont été "accueillis", elle nous raconte l'interrogatoire à l'hôtel Lutécia. ...Alma la musicienne est morte au camp, aussi bizarre que cela puisse paraitre, les Allemands qui vénéraient la musique, lui ont dressé un catafalque et ont organisé une vraie cérémonie de funéraille.
Michèle Dégardin
Michèle Dégardin