Jeudi 16 janvier, à 14h en salle Isnard, le professeur Claude Cohen-Tannoudji, prix Nobel de physique en 1997, pour ses recherches réalisées au laboratoire Kastler-Brossel de l'ENS, s'est adressé aux élèves des trois classes préparatoires technologiques du lycée ainsi qu'aux nombreux professeurs de physique, de maths, et même de sciences de l'ingénieur présents.
Si le professeur intervient devant des publics de jeunes c'est pour les convaincre de faire des études scientifiques. Il revient d'un voyage en Inde où il a pu rencontrer des étudiants enthousiastes, qui témoignent du dynamisme et des ambitions de ce pays .
Comment rendre compte de la nature de la lumière et de la matière ? Comment les maîtriser ? c'est un problème de physique depuis la nuit des temps. C'est le point de départ d'un exposé qui retrace les grandes étapes de l'histoire de la physique et de son interaction avec les technologies.
L'exposé démarre par un précis historique depuis Euclide en passant par Newton et Descartes, puis à Maxwell. Avec Newton , on pensait qu'on avait tout compris de la physique, or le relativisme avec Einstein bouleverse tout, et démontre que les équations de Newton sont insuffisantes pour tout expliquer. En 1905, Einstein a émis l'hypothèse des quantas de lumière, qu'on appelle maintenant photons, ainsi que la dualité ondes- corpuscules pour définir leur nature. Mais c'est Max Planck qui formalise la révolution quantique. Maintenant on sait grâce à tout le travail de ces "géants" que la lumière est une onde électromagnétique et un ensemble de corpuscules. Louis de Broglie, en 1924, étend la théorie d' Einstein à tout et pas seulement à la lumière. Avec la fameuse longueur d'onde valable pour toutes les particules, il fonde la mécanique quantique. Puis c'est une nouvelle étape, Schrödinger qui imagine l'équation d'évolution de la fonction d'onde associée à l'état d'une particule.
Le laser, ou la lumière domestiquée, est mis au point en 1958, par Charles Townes et Arthur Schawlav. Ce dispositif expérimental au départ composé d'un milieu atomique enfermé entre deux miroirs apparaissait comme un jouet pour savants dans un laboratoire. En 1960, Theodor Maiman construit le premier laser "industriel" qui a changé considérablement la recherche fondamentale en optique.
La lumière peut désormais agir sur la matière, non seulement pour obtenir de nombreuses informations (spectrométrie) mais aussi pour la transformer. Ainsi on peut ralentir et même refroidir les atomes grâce au laser. Claude Cohen Tannoudji nous explique alors le pompage optique, la résonnance magnétique et les applications qui en découlent: l'IRM en imagerie médicale. Alfred Kastler et Jean Brossel avaient démontré dans leur laboratoire que la lumière pouvait perturber un milieu observé.
Pour refroidir des atomes avec un laser, il faut utiliser deux faisceaux laser opposés avec la même fréquence et la même intensité. on obtient alors "une mélasse optique". Avec les travaux menés actuellement avec Jean Balibar, le refroidissement évaporatif permet de descendre à des températures encore plus basses.
On peut quand même se poser la question de l'intérêt de refroidir les atomes. C'est déjà utile parce qu'il devient alors possible de les observer plus longtemps, lorsqu'ils sont refroidis car ils sont ralentis.
Les atomes froids permettent ensuite d'améliorer la technologie des horloges atomiques, en les rendant de plus en plus précises et quasi indéréglables. Les horloges atomiques sont importantes pour des technologies comme les GPS. Pour s'affranchir de la gravité (deux horloges à des altitudes différentes ne donnent pas la même heure) et obtenir une meilleure précision, une expérience en 0 G a eu lieu avec un airbus A 300, dans l'idée d'installer une horloge atomique dans la station spatiale en 2016, laquelle délivrerait le temps à toutes les horloges terrestres, avec une précision inégalée. Une expérience qui a aussi pour but de valider ou non l'un des principes de la relativité générale : la dilatation du temps, le temps dépend du champ gravitationnel.
On peut quand même se poser la question de l'intérêt de refroidir les atomes. C'est déjà utile parce qu'il devient alors possible de les observer plus longtemps, lorsqu'ils sont refroidis car ils sont ralentis.
Les atomes froids permettent ensuite d'améliorer la technologie des horloges atomiques, en les rendant de plus en plus précises et quasi indéréglables. Les horloges atomiques sont importantes pour des technologies comme les GPS. Pour s'affranchir de la gravité (deux horloges à des altitudes différentes ne donnent pas la même heure) et obtenir une meilleure précision, une expérience en 0 G a eu lieu avec un airbus A 300, dans l'idée d'installer une horloge atomique dans la station spatiale en 2016, laquelle délivrerait le temps à toutes les horloges terrestres, avec une précision inégalée. Une expérience qui a aussi pour but de valider ou non l'un des principes de la relativité générale : la dilatation du temps, le temps dépend du champ gravitationnel.
Tout ce long et progressif travail de recherche permet non seulement de pousser les théories jusqu'au bout, la théorie de la relativité générale résiste toujours à l'expérimentation. Nous sommes à présent dans un monde dominé par la mécanique quantique, l'unification des théories n'est que partielle. Il y a donc encore un peu de travail pour rendre la nature intelligible.
Par contre, si toutes ces recherches ont eu des applications qui ont modifié notre quotidien, il est toujours impossible de planifier ce qui peut résulter de la recherche fondamentale, si précieuse et indispensable à notre compréhension du monde.
Par contre, si toutes ces recherches ont eu des applications qui ont modifié notre quotidien, il est toujours impossible de planifier ce qui peut résulter de la recherche fondamentale, si précieuse et indispensable à notre compréhension du monde.
Le professeur Cohen-Tannoudji avec la photo de groupe de son laboratoire autour d'Alfred Kastler, son directeur de thèse, alors prix Nobel en 1964, nous montre l'importance du charisme des hommes et la force de leurs convictions dans la fécondité de la recherche.
En effet sur cette photo, il y a trois prix Nobel, Alfred Kastler (1964), Claude Cohen Tannoudji (1997) et Serge Haroche (2012). La recherche fondamentale est un écosystème fragile, mal compris par des hommes politiques qui ont des visions à court terme. S'il est long et difficile de monter une équipe de recherche, il est rapide et très facile, avec des financements aléatoires et des tracasseries administratives de la détruire. Un chercheur à l'heure actuelle passe énormément de son temps à remplir des dossiers, et c'est du temps en moins à réfléchir, à consacrer à son labo. Or , c'est de l'esprit des hommes que naissent les idées, les protocoles expérimentaux puis les découvertes. Et si on peut refroidir et ralentir des atomes, on ne peut ni accélérer le temps , ni prédire l'avenir.
Une rencontre rare, un message important et un témoignage sur l'état de la recherche, depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Cet après-midi a été bien plus qu'une exceptionnelle leçon de physique.
Bibliographie:
Le site du laboratoire Kastler-Brossel, physique quantique et applications: http://www.lkb.ens.fr
Michèle Dégardin
Une rencontre rare, un message important et un témoignage sur l'état de la recherche, depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Cet après-midi a été bien plus qu'une exceptionnelle leçon de physique.
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Le site du laboratoire Kastler-Brossel, physique quantique et applications: http://www.lkb.ens.fr
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Bernard Diu. Petit traité de physique à l'usage des profanes, Odile Jacob, 2008
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